Livres
Différents dans leur approche, leur style et leur conception, les deux livres signés par Ly Dumas ouvrent les portes de la connaissance à un monde archétypal et secret codé par des signes et des symboles. Ce n’est pas un hasard si les Perles et le Ndop sont les sujets des premiers livres de l’auteur. Ils représentent deux coordonnées sacrées à travers lesquelles l’âme camerounaise dialogue avec le monde matériel.
« Mon ascendance royale, les magnifiques cérémonies organisées dans les palais meublés d’objets recouverts de perles et de cauris, les tenues des rois et des nobles, faites de Ndop, m’ont façonnée jusqu’à la moelle. J’ai grandi avec tout cela, j’ai donc vécu, respiré et travaillé pendant des décennies dans le monde multisensoriel et synesthésique des textiles et des perles africains. Mais au-delà de la splendeur des festivités, elles ont aussi apporté une grande responsabilité dans la préservation et la mise en valeur de ces arts séculaires.
Au cours des cinquante dernières années, des milliers de tissus, des centaines de kilomètres d’étoffe et d’innombrables objets perlés sont passés entre mes mains et mon cœur. Suis-je une spécialiste ? Peut-être. J’ose l’espérer. J’en suis encore plus l’amoureuse, la passionnée.
Dans l’élaboration de mes livres, j’ai eu le soutien des plus grands anthropologues des cultures africaines, tels que les regrettés professeurs Jean Paul Notue et Louis Perrois. D’autres spécialistes et docteurs en art africain comme Hélène Joubert, la famille Wiesenberg, Idrissou Njoya, Danilo Lovisi, et de nombreux amateurs enthousiastes de l’art et de l’artisanat camerounais nous ont rejoints dans notre démarche. Dès le début, j’ai été secondé par une journaliste de talent, ma princesse roumaine yoruba, Daniela Ulieriu (cette dernière étant également la coordinatrice des livres) ».
I. PEARLS
« Perles, couleurs d’Afrique » est le premier livre de Ly Dumas, imprimé aux éditions Gourcuff Gradenigo en 2009. Il a nécessité deux ans et demi de travail, de recherches, de découvertes, de sélections de photographies autour de cette petite entité chargée de sens. C’est un album – objet précieux, qui révèle à la fois la passion de l’auteur pour les perles et une partie de l’art créé ou collectionné par Ly Dumas.
La perle, réceptacle de Kè
Une perle est faite de verre, de pierre (ou pierre précieuse) ramenée des profondeurs de la terre ou de l’océan, de métal, de bois, de graine, de coquillage, de minerai, de noyau de fruit, d’os, de défense d’animal, etc. Il doit être percé pour être enfilé sur un fil et porté comme talisman. Mais le trou est aussi l’endroit où se cache l’esprit qui animera l’objet. Alors, et alors seulement, il se transformera en perle, en réceptacle de la force appelée Ke, l’énergie vitale, le principe qui insuffle la vie aux choses et fait avancer l’Univers. Un équivalent du concept chinois de Qi.
Perles, Entités sacrées
Dans les cultures traditionnelles, depuis la préhistoire, les perles sont considérées comme sacrées. Grâce à leurs pouvoirs magiques et surnaturels, elles apportent à celui qui les porte protection, guérison et fertilité. Elles sont également l’expression de la force (d’origine divine), de la beauté, du prestige et de la richesse. D’autres fonctions esthétiques ou monétaires, l’encodage et la transmission de messages s’ajoutent à leur rôle. Les perles ont une valeur particulière qui s’enracine dans nos émotions profondes.
Les perles ont toujours fait partie de la vie de l’artiste Ly Dumas, qui les honore avec sensibilité. Chaque année, des dizaines d’objets en perles d’une beauté saisissante sont créés ou fabriqués dans ses ateliers camerounais. Ses créations de mode ne sont pas moins impressionnantes.
II. NDOP
NDOP, le tissu des cours royales et des sociétés secrètes camerounaises
« NDOP, l’étoffe des cours royales et des sociétés secrètes camerounaises » est le deuxième livre de Ly Dumas, publié par Gourcuff & Gradenigo en 2021. Les recherches, les hotographies et l’écriture ont duré près de cinq ans.
Pour mener à bien ce projet, Ly Dumas a réuni des anthropologues, des experts en art africain et des journalistes de renom. Ensemble, ils ont élaboré le premier volume consacré au tissu NDOP. Après avoir été porté à la connaissance du public, le textile a connu un renouveau local important et a fait l’objet de plusieurs expositions dans le monde entier.
Ndop, probablement le tissu le plus élaboré au monde
Le processus de fabrication du Ndop est un puissant lien social. Il s’étend sur des milliers de kilomètres, du Nord du Cameroun aux régions de l’Ouest, et implique des hommes et des femmes de tous horizons, unis dans ce grand art traditionnel.
Au-delà de la couleur du ciel, le bleu est l’expression du surnaturel, des ancêtres et des forces de l’esprit. Le blanc, utilisé pour les rites de purification ou pour éloigner la mort, signifie aussi l’éveil et la protection, grâce à l’influence du Kè, la puissance de la vie.
Vous trouverez ci-dessous quelques idées, sentiments et liens de l’autrice avec ce livre.
« Je vous dévoile ici quelques aspects méconnus du textile, qui est à la fois l’histoire de ma famille, ma source d’inspiration artistique et l’emblème du pouvoir royal et mystique de mon pays. Le mystère des messages occultes reste protégé. C’est un tissu unique parce qu’il porte des propos intimes qui rencontrent la grande Histoire.
Entourée de spécialistes, je tente d’en dévoiler les facettes historiques, techniques et anthropologiques. La genèse du livre Ndop remonte à dix ans, peu après la publication de mon premier ouvrage, consacré aux Perles.
Sa dimension spirituelle va au-delà de la conception textile. Les motifs de ce tissu montrent l’interaction entre le monde sacré et le monde matériel. Une caractéristique de notre culture qui perdure et s’épanouit aujourd’hui, inspirant de nouvelles créations. Je rêve de le préserver et de lui donner l’attention qu’il mérite de la part des jeunes générations, l’avenir de mon pays.
Enfant, j’aimais caresser, le dos royal de ma grand-mère maternelle Mama Olo’O. Il était constellé de scarifications. Elle était reine-mère, l’une des sœurs préférées et influentes du roi de Bangangté. Les motifs gravés sur son corps, qui reprenaient les motifs Ndop, témoignant de son rang, lui accordaient les mêmes privilèges que le souverain. »
Reine Maveun Tawa Ly Dumas